29-10-2025
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29-10-2025
Quand j’étais enfant à Apricena, dans la province de Foggia, la nuit du 31 octobre au 1er novembre n’était pas associée aux masques ni aux citrouilles sculptées. C’était la nuit de la Chaussette des morts : un cadeau qui arrivait en silence, comme si les défunts revenaient pour veiller sur nous, apportant des sucreries aux enfants sages et du charbon à ceux qui avaient besoin d’une “leçon”.
C’était un moment suspendu, intime, profondément lié à la maison et aux sentiments — bien plus proche d’un “Noël d’automne” que d’une fête macabre. Et pour nous, enfants, il avait un charme indescriptible : un don venu “de l’au-delà”, mais sans peur.
La Chaussette des morts est bien plus ancienne que le christianisme et plonge ses racines dans les traditions agricoles et païennes des peuples méditerranéens.
Dans les campagnes, on croyait que la nuit entre la fin octobre et le début novembre, les âmes des défunts revenaient dans leurs maisons pour saluer les vivants, observer la famille et s’assurer que les liens n’avaient pas été oubliés.
En signe d’accueil, on laissait sur la table du pain, des fruits secs, du vin ou des figues : une offrande pour nourrir symboliquement les âmes en visite.
Avec le temps, ce geste d’hospitalité s’est transformé en un don pour les plus jeunes : des douceurs et des fruits secs “transmis” par les défunts à travers la mémoire des vivants.
Le sens n’était pas matériel, mais spirituel: recevoir quelque chose “des morts” signifiait les sentir encore membres de la famille.
Contrairement à Halloween — né comme un rite de protection contre les esprits — dans les Pouilles et dans tout le sud de l’Italie, la relation avec les morts était une relation de proximité, non de défense.
La fête des morts ne cherchait pas à effrayer, mais à reconnaître et accueillir les âmes.
On apprenait aux enfants que les morts revenaient par bienveillance, non pour faire peur.
Cette coutume avait une forte valeur éducative : elle rappelait que nos racines font partie de notre identité et que ceux qui nous ont précédés continuent de marcher à nos côtés, même de manière invisible.
Les cadeaux contenus dans la chaussette n’étaient pas choisis au hasard.
De nombreux gâteaux liés aux 1er et 2 novembre possèdent une charge symbolique forte :
Les “os des morts”: biscuits durs comme le souvenir éternel des ancêtres.
Les “fèves des morts”: rappel de la tradition romaine où la fève était considérée comme nourriture des âmes.
La grenade: symbole de fertilité et de vie au-delà de la mort.
Les châtaignes: fruit automnal de chaleur et de protection domestique.
Les fruits secs: dons de la terre qui résistent au temps, comme la mémoire.
À côté des douceurs, on trouvait parfois aussi un morceau de charbon — non pas une vraie punition, mais une invitation à se corriger et à s’améliorer au cours de l’année.
À Apricena, cette coutume était vivante jusqu’à il y a quelques décennies.
Dans les familles paysannes, la nuit du 31 octobre au 1er novembre était faite de petites attentes : les grands-parents racontaient des histoires des parents disparus, non pas comme des fantômes, mais comme des présences affectueuses.Le lendemain matin, nous, enfants, courions chercher la chaussette, souvent accrochée près de la cheminée, à la fenêtre ou à côté du lit.
Ce n’était pas un cadeau apporté par un personnage mythique comme le Père Noël, mais un geste de continuité familiale: les morts qui “passaient” pour offrir amour, protection et mémoire.
Cette forme d’éducation douce, mais profonde, enseignait que la famille ne s’arrête pas à la mort, et que la gratitude envers ceux qui nous ont précédés fait partie de notre identité territoriale.
La Chaussette des morts a disparu lentement à partir des années 1990, pour trois raisons principales :
L’américanisation des fêtes : Halloween est arrivée d’abord dans les médias, les écoles et les supermarchés ;
La rupture du lien intergénérationnel : les grands-parents ne vivent plus dans la même maison et la mémoire ne se transmet plus à l’oral ;
La dépersonnalisation de la nourriture : les douceurs n’étaient pas de simples cadeaux, mais des symboles de récolte et d’abondance.
Quand la fête est devenue consommation, elle a perdu son âme.
Redécouvrir la Chaussette des morts ne signifie pas refuser Halloween, mais retrouver notre manière méditerranéenne de nous souvenir des défunts : plus intime, plus humaine, plus enracinée dans la famille et la terre.
C’est une tradition qui :
éduque au respect des origines,
crée une mémoire émotionnelle chez les enfants,
reconstruit le fil entre passé et présent,
redonne au repas un sens d’appartenance et de gratitude.
Ce n’est pas un hasard si les coutumes des morts tournaient autour du blé, du pain, des figues sèches et des amandes : des produits qui faisaient vivre les familles et représentaient l’essence même du don.
Offrir des douceurs aux enfants signifiait transmettre un geste de soin hérité des ancêtres.
C’est ce même principe qui guide encore aujourd’hui la façon dont, dans notre terre, nous cultivons, transformons et partageons la nourriture : non pas comme un produit, mais comme un héritage culturel.
La Chaussette des morts n’était pas seulement un souvenir d’enfance : c’était une manière de dire que les morts ne sont pas “ailleurs”, mais qu’ils restent avec nous dans les choses simples, dans la continuité des gestes, dans les saveurs qui passent de main en main comme un témoin silencieux.
Peut-être que cette tradition peut renaître aujourd’hui, justement parce que nous avons besoin de racines : non pas comme nostalgie, mais comme direction.
Se souvenir d’où nous venons, c’est savoir où nous voulons aller.
Et la nourriture, dans nos terres, a toujours été le pont le plus fort entre ceux qui étaient là avant et ceux qui porteront l’avenir